CPI :Jour J-4: Gbagbo comme Dreyfus? par la ministre Clotilde Ohouochi Yapi
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L'affaire Dreyfus, on s'en souvient, est ce conflit social et politique majeur de la Troisième République survenu à la fin du XIXe siècle, autour de l'accusation de trahison faite au Capitaine Alfred Dreyfus d'avoir prétendument livré des documents secrets français à l'Empire allemand.
Elle a bouleversé la société française pendant douze ans, de 1894 à 1906, la divisant profondément et durablement en deux camps opposés, les « dreyfusards » partisans de l'innocence de Dreyfus, et les « antidreyfusards » partisans de sa culpabilité.
Les dreyfusards se sont rassemblés en groupe de défenseurs du Capitaine pour prouver la forfaiture et démontrer son innocence. Ceux qui se sont engagés personnellement dans ce combat au départ ne dépassait pas 500 militants, l'affaire rencontrant à ce moment un écho limité. Il a fallu, en 1898 l'acquittement du véritable coupable et la publication d'un pamphlet dreyfusard par Émile Zola, "J'accuse"…!, pour provoquer une succession de crises politiques et sociales uniques en France.
L'affaire ne s'acheva véritablement qu'en 1906, par un arrêt de la Cour de cassation qui innocenta et réhabilita définitivement Dreyfus. Cette affaire qui était une erreur voire un complot judiciaire sur fond d'espionnage est souvent considérée comme le symbole moderne et universel de l'iniquité au nom de la raison d’État. Comparaison n'est pas raison, les époques diffèrent de même que les contextes historique, politique et géographique, mais l'affaire Laurent Gbagbo contre le procureur offre, à bien d'égards, des similitudes remarquables avec celle du Capitaine Dreyfus.
Une juridiction internationale accusée de partialité, présentée par bon nombres d'Africains comme l'outil politique dont se servent les grandes puissances pour régler des comptes aux dirigeants africains qui ont l'audace de leur tenir tête. Et, pourtant, le statut de la CPI assure l'indépendance de la Justice. Il stipule que les juges sont indépendants (art.12) et que le procureur, responsable de l'instruction des dossiers et de l'exercice des poursuites, ne sollicite ni ne reçoit d'instruction d'aucun gouvernement ni d'aucune autre source (art.16).
Nul n'est dupe. Pour accomplir sa mission, la CPI est bien dépendante du bon vouloir de ses fondateurs au Conseil de Sécurité et de leurs intérêts politiques. Ainsi, bien que des juges aient émis des réserves et une opinion dissidente pour insuffisance de preuves, on s'apprête à conduire en procès un innocent, là où il aurait fallu relaxe et acquittement. Alors, je suis Gbagbosard(e), véhémente et obstinée, comme d'autres ont été Dreyfusards, il y a de cela deux siècles.
Par Ohouochi Clotilde Yapi