Le diplomate francais Laurent Bigot accuse: L’enquête du bureau de la procureure a été sélective, exclusivement orientée contre le camp des vaincus
/image%2F1827413%2F20160211%2Fob_e5f10f_laurentbigotdiplomate.jpg)
Laurent Bigot ( ancien diplomate français ):
En 2010, j’étais sous-directeur pour l’Afrique de l’Ouest au Quai d’Orsay. Ce n’est pas une position qui me permet de juger de l’innocence ou de la culpabilité des protagonistes de la crise, mais juste de témoigner. Ce n’est un secret pour personne que, du côté français, Laurent Gbagbo et les forces armées ivoiriennes représentaient le camp du Mal quand Alassane Ouattara et les Forces nouvelles (devenues ensuite les Forces républicaines de Côte d’Ivoire, FRCI) incarnaient le camp du Bien.
Lors de la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002, l’archevêque Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, s’était réjoui qu’enfin les victimes de crimes contre l’humanité soient prises en considération. La CPI donne en effet la parole aux persécutés pour faire émerger la vérité et la justice. Mais il ne peut pas y avoir deux catégories de victimes, les prioritaires et les autres. Les victimes du conflit ivoirien ont toutes la même importance.
L’enquête du bureau de la procureure a été sélective, exclusivement orientée contre le camp des vaincus (en espérant qu’elle soit un peu plus rigoureuse que lors du rejet du premier acte d’accusation qui comportait une vidéo présentée comme accablante pour Laurent Gbagbo alors qu’il s’agissait d’une vidéo tournée au Kenya lors des violences post-électorales de 2007-2008). La France a coopéré à cette enquête. La France aurait pu, dans le même temps, tout aussi bien documenter les crimes commis par les Forces nouvelles, les futures FRCI.
Les Nations unies détiennent aussi beaucoup d’informations, comme celles concernant ce « com-zone », ancien officier des Forces nouvelles placé sous sanctions des Nations unies depuis 2006 pour graves violations des droits humains (recrutement d’enfants soldats, viols, exécutions extrajudiciaires…). Ce même com-zone à qui a été confiée la garde de Laurent Gbagbo après sa chute, avec l’accord de l’ONU. Ce même com-zone qui a été officiellement nommé par les autorités ivoiriennes chef de compagnie territoriale en 2011. Alors, quel est le message adressé aux victimes ? Désolé, vos bourreaux étaient dans le camp du Bien. Circulez, il n’y a rien à voir ?
La CPI est un progrès pour la défense des victimes. Elle ne consolidera sa légitimité que si elle s’intéresse à toutes les victimes sans distinction aucune. Que ce soit pour le conflit ivoirien comme pour tous les autres.
Source: Le Monde ( Journal français )
via Facebook de Boguhé Zalou
8 h ·